Paul Anderson est cadre chez Corps à Corps, une multinationale qui s’est illustrée dans la technologie de pointe mise au service de l’homme. La société s’est spécialisée dans les produits destinés à combler le vide humain. Leur produit phare est Ryan, un modèle de compagnie.
Ambitieux et pressé de gravir les échelons, Paul est devenu le responsable des ventes de Ryan. Paul est en pleine ascension sociale. Régulièrement il prend de la hauteur, perché sur son lampadaire. De cet équilibre précaire, il peut contempler le monde à ses pieds.
A ses côtés, Ryan est grand et charismatique, il est le meilleur ami de l’homme et le sésame de Paul vers de plus hautes sphères.
Chez Corps à Corps la compétition est rude, les objectifs toujours plus durs à atteindre. Dans ce monde du chiffre et de la concurrence, les coups bas sont de mise.
Paul esquive, se faufile, court, gagne, se démène pour être toujours en tête de la meute.
Malgré l’excellence de ses résultats, il est mis à l’écart, au placard, seul avec Ryan. Pour retomber sur ses pieds, pour entrevoir à nouveau les sommets, Paul devra faire preuve d’ingéniosité, de souplesse d’esprit et de résistance physique.
Dans cette tourmente, Ryan, dont Paul connaît par coeur l’argumentaire de vente, va petit à petit devenir son soutien, son porteur, son point d’équilibre… et le tremplin dont il a besoin pour son salut.
Au fil des résidences de territoire que j’ai mené ces dernières années, la question liée à l’emploi ou à l’absence de travail est sans cesse revenue. Aujourd’hui le travail nous définit, nous détermine et rythme notre vie. Pour la majorité des personnes que j’ai rencontré, les questions liées au travail, la pression de la hiérarchie, la politique du chiffre, l’isolement, l’inactivité, la compétition … sont autant de causes participant à leur mal-être.
Après avoir abordé ce sujet dans mes films documentaires, j’ai souhaité le traiter dans une oeuvre fictionnelle, à travers un langage mêlant cirque et théâtre. Il s’agit d’un mode d’expression où le corps raconte l’être humain dans sa lutte pour ne pas subir, un corps qui amènera une parole salvatrice. Dans ce langage le circassien/comédien, l’athlète affectif comme l’appelait Antonin Artaud, met en jeu la vie de son personnage.
Dans le meilleur ami de l’homme, j’ai établi une construction narrative où le décalage des actions amène des situations burlesques. Celles-ci pourront naître de la faculté de ce personnage à croire en lui, quoi qu’il arrive, animé d’une énergie naïve et désarmante, tel un Don Quichotte des temps modernes. Paul croit sincèrement en la société dans laquelle il vit.
Le dialogue entre les trois agrès choisis témoignera des différents états que traverse le personnage. Le mât chinois sera le Nirvana de Paul Anderson, d’où il observe la ville et peut se sentir conquérant et apercevoir de nouvelles perspectives. L’acrobatie au sol sera l’expression de sa productivité, de sa performance au travail, à travers des espaces contraignants, réglementés, mais transcendés. Les sangles aériennes incarneront la tentation l’exutoire, de perte de contrôle.
La conception sonore, l’utilisation de la parole, interviendront au même titre que la scénographie. La pièce s’élabore comme un scénario pour évoquer un propos à travers des univers visuels forts, construits scéniquement. La rencontre entre le théâtre et le cirque offre une formidable ouverture dramaturgique et une approche renouvelée et vivifiante de l’espace de représentation que je développe ici, dans le prolongement de mes deux dernières créations.
Fabrice Macaux