Nous ne sommes pas des numéros

Pièce burlesque de Fabrice Macaux, création 1999

La dramaturgie repose sur l’envie de ce frère et de cette sœur à vivre l’ordinaire comme une aventure extraordinaire. Deux personnes anonymes à la périphérie d’une grande ville rêve d’un monde différent où chacun aurait sa place pour produire du sens, du sens et encore du sens. La profonde naïveté de leur démarche les conduira vers un réveil brutal et salvateur. Le passage à l’âge adulte permet-il de préserver ses rêves d’enfant ?

Les deux acteurs choisis sont frère et sœur dans la vie. Ils ont vécu longtemps en banlieue parisienne. Ces deux aspects étaient nécessaires pour le développement du spectacle. Leur vécu commun et personnel nourrissant les improvisations et le cheminement narratif.

Partir du réel pour aborder la fiction c’est comme une terre en friche. La terre est terre et au printemps, elle sera maïs, blé ou lin. On ne peut pas tricher avec le travail semé.

Le réel permet aussi d’encrer le processus de création dans un état du monde, dans un constat et donc une vision de référence. Le spectateur pourra alors la saisir au moment opportun. Ensuite dans son développement, le parti pris vient se frotter à l’évidence du réel pour, dans un crescendo, laisser la place à la fiction. Les personnes acteurs deviennent personnages et leur récit bascule dans la mémoire secrète de la dramaturgie.

Le corps est une narration en elle-même. La parole apparaissant quand le corps a besoin de mots pour le relayer. Les mots qui jaillissent des personnages sont empreints de tout ce qu’ils sont grâce à la construction physique et psychologique du langage organique des personnages.

Organique peut paraître un peu référencier, mais c’est pourtant le terme adéquat. L’acteur, fait naître et grandir son personnage tout au long des répétitions. Il est d’ailleurs pour moi difficile, à cause de ce processus, de fixer la date précise du passage des répétitions à la représentation. On ne peut imposer une date butoir à un enfant pour qu’il sache marcher.

Cette façon de travailler a pour but de tendre vers une adresse la plus ouverte possible. Quand les personnages apparaissent devant les spectateurs, mon pari est celui de l’empathie. « Faire corps » avec ces personnes imaginaires. Il n’y plus alors de question pour savoir à quel public s’adresse ce spectacle. Des gens construits et imaginés depuis la naissance rencontre des gens vivants depuis leur naissance dans un monde où chacun essaie de vivre et de poser des questions sur cette vie-là.

Le burlesque surgit toujours au dépourvu quand la situation échappe aux deux protagonistes. Le corps subit l’action narrative et l’acteur en joue. Et puis dans l’évolution et la saturation de ne pouvoir saisir son « destin », le corps personnage se rebelle pour se donner une chance de décider de ses pas, de sa démarche.

Le rire vient souvent donc d’un manque, d’un oubli, d’une erreur dans le déroulement prévisible d’une action.

Dans le moyen-métrage « le cirque » de Charlie Chaplin, les clowns professionnels ne font plus rire le public. Quand Charlot entre par effraction sur la piste, l’accident est provoqué. Il tente d’échapper aux gens qui lui veulent du mal en se cachant sur la piste sans savoir vraiment qu’il perturbe une représentation. À partir de là, toutes les actions qu’il entreprend lui échappent au plus grand plaisir du public.

Nous tentons de développer cette voie.